Qu'importe que la cantatrice soit chauve puisqu'elle n'existe pas ! Dans cette petite "anti-pièce", première oeuvre dramatique de Ionesco, il n'est fait référence que deux fois à la cantatrice chauve, personnage dont on ne sait rien et qui n'apparaît jamais. Il s'agit bien là d'un Nouveau Théâtre, celui qui donne naissance à des pièces sans héros, sans sacro-sainte division en actes, sans action, sans intrigue, avec en guise de dénouement la quasi-répétition du début, et dont les traditionnelles retrouvailles sont remplacées par une parodie de reconnaissance d'une invraisemblance ahurissante. Les personnages, tout droit sortis d'un manuel de langue, ne s'expriment que par clichés, disent une chose pour aussitôt affirmer son contraire, trouvent une jubilation idiote à employer proverbes et maximes tout en les pervertissant sans même s'en apercevoir... Cependant, très vite, le langage s'"autonomise", se libère de toute contrainte, et l'on assiste avec plaisir au divorce du sens et du verbe. Il en résulte un petit chef-d'oeuvre comique, traité sur l'absurde, variation sur la bêtise et paradoxalement éloge du pouvoir du langage. --Sana Tang-Léopold Wauters