Atypique, Haruki Murakami l'est à bien des égards. Né à Kobé en 1949, ce lettré qui a étudié la tragédie grecque se prend de passion pour les États-Unis. Il ouvre un club de jazz à Tokyo. Ce n'est pas assez. Il part en Amérique et devient le traducteur de Fitzgerald et Carver en langue japonaise. Il écrit aussi. Déjà cinq romans, parmi lesquels L'éléphant s'évapore, paru au Seuil.
Après le tremblement de terre est un recueil de nouvelles inédites, écrites en 1995, sous le choc du tremblement de terre de Kobé. Murakami pose dans chacune de ces six nouvelles un rapport avec l'événement tragique. Mais l'écrivain en dégage un autre sens. Pour la femme de Kamura, le tremblement vu à la télévision lui fait comprendre que son mari ne lui apporte plus rien. Elle le quitte, sans dire un mot. L'évocation du tremblement peut à l'inverse faire surgir chez d'autres personnages le sentiment amoureux ou encore, plus curieusement, le fantastique, comme dans cette nouvelle où une grenouille géante vient avertir un petit employé médiocre de l'imminence de l'événement. L'écriture de Murakami est étonnante, combinant le vide et le plein. On sent que l'auteur s'efforce à l'épure, mais que la puissance émotionnelle est là, extrêmement vive, à l'image de ces deux personnages qui décident un soir, devant un feu de camp, de mourir ensemble et finalement s'endorment. Une leçon de vie et de style. --Denis Gombert